Cette exposition permet de découvrir le peintre français contemporain JildazMigot à travers une série de peintures qui célèbre des oeuvres architecturales réelleset imaginaires. L’architecture fait partie de notre quotidien : elle nous est familière,elle est ce lieu où l’on habite ; mais elle est aussi ce que l’on voit sans regarder quandtous les jours on se rend dans des endroits précis. On en oublie presque ces tonnes depierres et de béton qui s’érigent de part et d’autre des trottoirs, on néglige le fait quechacun de ces édifices a une histoire et que chacun d’eux a aussi été traversé par unemultiplicité d’histoires. Pour beaucoup d’entre nous l’architecture de nos villes estune chose ordinaire et nous émerveille peu. Combien sommes-nous à préférerobserver les gens à une terrasse de café plutôt que de prêter attention aux bâtis quinous entourent ?
Le philosophe Paul Ricœur dans son texte Architecture et Narrativité nous rappelle que « les lieux sont des endroits où il se passe quelque chose », qu’ « une œuvre architecturale est un message polyphonique […] qui ne rassemble pas seulement des événements, mais des points de vue, à titre de causes, de motifs et de hasards » et que « les récits de vie sont naturellement confus ».
C’est précisément ce « message polyphonique » de l’architecture que le peintre veut rendre visible pour ses contemporains. Au gré de ses voyages en Europe et de ses trajets quotidiens en région parisienne, Jildaz Migot s’étonne de certaines architectures, se renseigne sur leur histoire ou se la fait raconter. Le peintre cherche à exprimer la spécificité de chaque architecture par le choix d’une composition unique ; il travaille la même idée dans des contextes différents. C’est comme si chaque tableau affirmait son individualité à travers celle de l’architecture qu’il ravive.
Le peintre superpose des couches de peinture comme des strates de sens ou d’histoires pour réédifier des architectures de toutes sortes : par exemple une station pétrolière, une chapelle, des barres H.L.M., une cage à oiseaux, un monument classé patrimoine historique, une architecture en kit, etc. Il construit aussi des architectures insolites voire burlesques qui assemblent des éléments disparates. Les attentes du spectateur sont gaiement déjouées. Les peintures sont hétéroclites et font l’éloge de la diversité.
Parfois, c’est l’architecture en elle-même qui nous étonne. Parfois, c’est la présence de ce qui l’entoure : des digressions prennent la forme d’objets flottant dans le ciel (nénuphars, crocodiles, éléphants…). Ces motifs décoratifs ou enfantins viennent chahuter l’immuable sévérité du bâti. Ils symbolisent des récits de vie invisibles et si légers par rapport à la pesanteur de l’architecture. Mais la digression la plus importante qu’on peut voir est celle de la peinture, qui dans certains tableaux se célèbre elle-même jusqu’à déborder sur la représentation de l’architecture, en efface des parties, la désagrège dans des rougeoiements. La peinture tend à devenir le vrai sujet du tableau et l’architecture un peu plus qu’un prétexte.
Le peintre brosse la différence qu’il peut y avoir entre les choses. Il peint l’écart entre l’important et l’insignifiant, l’inconnu et le banal, le lourd et le léger, l’empâtement et le jus, faisant coexister ces contraires sur un même plan – celui de la représentation. Dans l’espace créé par la peinture ces choses s’harmonisent en apparence alors qu’au fond elles sont incompatibles. C’est la rencontre de ces écarts qui intéresse Jildaz Migot et qui nous plonge dans l’incertitude.